J'ai décidé de vous partager quelques photos du quartier ou nous vivons en vous présentant des personnes extraordinaires qui malheureusement, sont marginalisées et sont victimes de discrimination. Elles font partie de notre quotidien, mais on les ignore, on les menace, on en abuse, on les harcèle, on les ridiculise. Elles s'occupent de nos enfants du matin au soir et même la nuit, mais on ne leur fait pas confiance et on les exclut du cercle familial. Elles assurent la sécurité des édifices et des rues, mais on leur dit qu'elles ne servent à rien et qu'elles ne sont bonnes à rien.
On vit à Surco, un quartier résidentiel de Lima. Il est bien conseillé aux coopérantEs de vivre dans des quartiers sécuritaires. On a repris le logement (1er en bas à gauche) d'un coopérant d'Oxfam-Québec qui est maintenant à La Paz, en Bolivie, avec sa famille. On est bien situé, près de tout : épiceries, marché public, parcs, gym, cinéma, centre commercial, bus, boulangerie, école d'Adam, garderie de Madeleine.
Lui, c'est Richard, le gardien de sécurité (le ''vigilante'') de notre édificie de 6 logements (!!!). Il gagne 700 soles par mois (environ 240 $ CAN). Il travaille 6 jours par semaine, 12 heures par jour. Il doit voyager en bus 5 heures par jour pour venir travailler et retourner chez lui puisqu'il demeure dans un des quartiers marginaux en périphérie de la ville. Il a 2 filles et est l'unique pourvoyeur de sa famille.
À droite |
Quand on sort de mon édifice, à droite, au coin de la rue, il y a une petite cabane et il y a des gardiens de sécurité 24 h sur 24. Même chose à gauche, à l'autre coin de rue.
À gauche |
Ces gardiens de sécurité travaillent 12 heures par jour sur des quarts de jour et de nuit. On y assure donc une présence 7 jours/semaine. Ils gagnent aussi 700 soles par mois, répartis entre le voisinage.
Au bout de la rue, il y a un parc. De 15h00 à 18h00, du lundi au vendredi, c'est le rendez-vous des nounous et des enfants. Quelques rares parents se joignent aux jeux collectifs, mais ils sont très rares. Pour les nounous, c'est l'occasion de briser l'isolement et de partager leur quotidien, les défis et les difficultés qu'elles rencontrent, leurs aspirations, leurs rêves. Pour les enfants, c'est l'occasion de promener les poupées en carosse, se lancer le ballon, jouer au chat et à la souris, se tirailler, grimper dans les arbres, faire de la bicyclette et de la planche à roulette. Adam et Madeleine y vont à tous les jours et en reviennent toujours de bonne humeur. Ils ont ainsi pu s'y faire un réseau d'amiEs intéressant.
Je vous présente Vilma. Cette femme extraordinaire qui s'occupe de nos enfants comme si c'était les siens. C'est une belle personne qui m'inspire au quotidien par son sourire contagieux, sa joie de vivre, sa simplicité, sa douceur, son honnêteté. Et tout ça, malgré les difficultés de sa vie personnelle.
Elle vit avec nous du lundi au vendredi: une petite chambre lui est consacrée dans notre appartement. Si elle devait voyager matin et soir, elle devrait elle aussi se taper 5 heures de bus par jour puisqu'elle vit elle aussi avec sa famille dans un quartier marginalisé. Elle a une petite fille de 4 ans et un garçon de 16 ans qui sont élevés par les parents de son mari puisque celui-ci travaille aussi à l'extérieur de la ville du lundi au samedi. Je vous partagerai son parcours de vie dans un prochain texte ainsi que les difficultés et les défis des nounous, celles à qui on laisse nos enfants mais qui sont souvent méprisées.
Les enfants l'adorent. Ce petit parc, son atmosphère festif quotidien et ses gens nous manqueront certainement à notre retour à Montréal.
Voici Vanessa (à droite) et Negda (à gauche), deux amies de Vilma. Avec elles, je connais tous les potins du coin ! Et malheureusement, ils ne sont pas toujours roses ... Vilma est la seule nounou du coin qui ne porte pas de ''costume''. On lui a laissé le choix mais elle ne voulait rien savoir d'être habillée en blanc ou en bleu.
Chez plusieurs familles dont les enfants côtoient le parc, il y a une nounou par enfant (donc 2 enfants = 2 nounous), une cuisinière et une femme de ménage. Ceci crée des dynamiques très particulières. Chez nous, Vilma occupe tous ces postes mais a des conditions de travail plutôt extraordinaires contrairement aux autres employées de maison. Et nous sommes évidemment présents pour l'aider dans les tâches quotidiennes et on s'occupe de nos enfants.
Balayer les trottoirs et entretenir l'extérieur des maisons |
Les employées de maison et les gardiens de sécurité ont plusieurs tâches connexes :
Arroser le gazon quotidiennement |
Laver les voitures |
Promener les chiens, prendre des marches avec les aînéEs, aller chercher le pain ou le lait au ''dépanneur'' le matin tôt, sortir les poubelles, accompagner les enfants aux fêtes d'enfants, préparer le lunch des enfants, reconduire et aller chercher les enfants à la garderie ou à l'école, etc. Certaines familles engagent même d'autres employées domestiques les fins de semaine pour se reposer.
Derrière ce que je viens de vous présenter se fait toute une analyse de la société péruvienne, du moins liméenne, celle que je connais davantage. La sécurité, les rôles parentaux, la nécessité des employées domestiques, l'éducation des enfants. Je me questionne, je les questionne. J'essaie de comprendre.
Je vous avoue sincèrement que je n'arrive pas à accepter plusieurs de ces différences culturelles.
Je ne fais que les tolérer.