Quand on sort de sa routine c’est pour vivre des sensations fortes, pour s’émerveiller devant la grandeur et pour faire le plein d’énergie. Le changement nous permet d’apprécier notre confort et notre quotidien. Pour les coopérants volontaires c’est un objectif qui s’échelonne sur une, deux et parfois trois années. Dans notre cas, la dernière fin de semaine nous a permis de vivre plusieurs de ces étapes et d’en ressortir grandi.
Glacier du Pastoruri dans le parc de Huascaran |
Située à environ 450 km de Lima, Huaraz est l’une des 20 provinces de la région d’Ancash*. Ce coin de pays nous offrait de petits villages, un lac à 3850 mètres d’altitude et un glacier à plus de 5000 mètres. Bref, un beau mélange pour s’éloigner de la cacophonie de Lima.
Nous avions réservé deux journées de visites guidées. Plusieurs beaux paysages ont défilé devant nos yeux, les villages, le parc Huascaran, le Lac Chinancocha, le glacier Pastoruri. Aucun n’a été comparable au voyage intérieur que la petite ville de Yungay a pu nous faire vivre.
Notre guide, un professeur de mathématique de 68 ans féru d’histoire, nous a raconté avec passion les événements qui ont transformé la petite ville en cimetière national par un bel après-midi ensoleillé de 1970.
Frappée par une violente secousse sismique d’une amplitude de 7,8 sur l’échelle de Richter causée par le choc entre des plaques sous marines dans le Pacifique, la région s’est mise à trembler. Une partie de la montagne Huascaran, qui surplombe le village, s’est détachée, causant une avalanche de glace, de roches et de boue. Accélérant rapidement, les débris ont atteint plus de 200 km/h et se sont abattus comme un raz-de-marée sur Yungay. À peine dix minutes plus tard, le village entier, banque, cathédrale, maisons, voitures et plus de 22 000 habitants ont été ensevelis sous des mètres de boue. Toute cette communauté a péri écrasée sous le poids de Dame Nature.
Cimetière pyramidal et statue géante avec la cordillière noire en arrière-plan |
En bas, la coulée de boue et de glace qui avait atteint le deuxième étage du cimetière commençait à se stabiliser, à durcir. Cette même vague avait continué son chemin pour finalement s’arrêter sur le versant opposé. Seule la force passive de la cordillère noire a pu arrêter l’élan dévastateur fourni par la cordillère blanche.
Les réfugiés ont passé la nuit ensemble, regroupés pour la chaleur du corps et du cœur. Les explications de notre guide sont appuyées par des images incroyables, captées par un des 203 survivants, un géophysicien français en visite. En plus du groupe de survivants du cimetière, environ deux cents autres personnes, pour la plupart des enfants, étaient attroupées au stade local pour une fête. Ces derniers sont soudainement devenus orphelins du destin.
À la suite du séisme, l’armée a pris le contrôle de la zone pour éviter le pillage et le chaos. La zone a été déclarée cimetière national et aucune excavation n’a été permise depuis toutes ces années. Le guide explique cette décision de deux façons : «On voulait éviter le pillage» et au niveau spirituel, «quand on meurt on n’emporte rien au paradis, il fallait donc laisser les biens ensevelis par respect pour tout ces gens.» La communauté internationale s’est mobilisée, des secours sont arrivés de plusieurs pays. Cet effort fait encore aujourd’hui de Huaraz la «Capitale de l'amitié internationale». Dans les jours suivants la catastrophe, les jeunes orphelins ont été transportés à Lima et ensuite adoptés par des étrangers de partout dans le monde.
![]() |
Une partie de l'ancienne catédrale de Yungay avec les 4 palmiers restés debout après le seisme |
C’est toujours très émouvant se retrouver dans un lieu de sépulture, quand on peut voir le meurtrier au loin, avec ses neiges éternelles. Il est quand même beau; on l’admire et on le respecte. On se rappelle alors la puissance de la nature, la fragilité de la vie. On devient silencieux, nostalgique. On se sent proche des morts, des survivants et des familles qui depuis toutes ces années, participent à un pèlerinage annuel en mémoire des victimes.
Une expérience profonde qui fait réfléchir. Une première avalanche qui fait surgir tristesse, humilité, respect et calme. Une autre expérience empreinte d’autant de force nous attendait le lendemain.
* Le Pérou est divisé en 24 régions qui contiennent chacune plusieurs provinces.
Serait-ce que votre week-end d'amoureux s'est transformé en week-end d'amoureux d'aventure?
RépondreSupprimerTrès touchant votre témoignage. On vous sent très vivants et très humains dans vos rapports avec les péruviens. Vous êtes de véritables citoyens du monde.
Dominique